Le plus souvent le crime est affaire d'abrutis, de bestiaux. L'homme est un chien pour l'homme. Chienne de vie.
Tintin aime Gina, et Gina aime Tintin. Ils croient qu'ils se valent, mais ils n'ont pas les mêmes valeurs. Il vient de la classe moyenne - la langue française est son identité - et elle est de la classe tous risques. Elle lui dit merde, à la langue française.
Ils se mettent en ménage chez elle, dans le Nord : lecture pour lui, manucure pour elle. Factures. Chômage. Feuilletons télé. Ils n'ont rien à se dire. C'est d'abord ça, la paupérisation, l'appauvrissement du langage.
Franck s'installe dans ce chaos. Franck, c'est le vide parfait, Gina en a le vertige, et Tintin ne sait plus qui est chien, qui est chienne. Il assiste aux accouplements. Il fait leur lit, leur sert des bières. Il pense tout haut, tout seul, tout le temps. Son humiliation consentie, sa présence soumise, sa différence deviennent une gêne, puis une menace et un danger.
Un chien qui a la rage, on sait ce qu'il veut. Il veut vous tuer. Mais un chien battu, qui ne se respecte pas lui-même?
Tintin tente un baroud d'honneur, mais le mot honneur n'existe pas dans la langue chienne.
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Un matin, la mère de Paul meurt. Il décide de la garder dans sa chambre quelque temps pour ne pas rester seul. Mais le soir même il récupère, dans une benne à ordures, une jeune femme amnésique. Elle dit s'appeler Wanda, mais ressemble comme deux gouttes d'eau à la Hélène du feuilleton télévisé que tout le monde regarde à la cité. Finalement ce sera Nadine, parce qu'"ici, aux Blattes, Nadine Mouque ça va pour tout le monde et toutes les religions, c'est un mot de passe pour vous gâcher le jour, vous dire la haine et l'irrespect de la personne humaine, tout le monde s'appelle Nadine Mouque."
D'autres, les racailles de la cité, Nando, un bodybuilder escaladeur de façades, Jean-Claude, l'éducateur érotomane du coin et même Zarko, un ministre très lié à Nadine, aimeraient bien lui ravir sa fiancée. "Parce que je serais con et moche, glauque et gluant. Pervers sentimental. Tout le monde peut s'introduire dans mon petit intérieur pour me chiper ma fiancée, mon otage, ma secrète... Mais on n'arrache pas son os à un chien. Surtout pas à un bâtard de banlieue."
Nadine Mouque illustre à la perfection la singularité du roman noir : politique, poétique, et puissamment incarné par des individus en marge.
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'Atteint d'un cancer diagnostiqué en août 2017, Hervé Prudon se savait condamné. Durant les deux derniers mois de sa vie, où il lui était devenu impossible d'écrire le roman qu'il avait ébauché, il remplira deux carnets de moleskine noirs d'une écriture tremblée. Une centaine de poèmes qui tous parlent de la mort à venir et frappent par leur lucidité et l'urgence dont ils sont un puissant témoignage. Ils dessinent en
creux la personnalité d'un homme, porteur d'une douleur existentielle qu'il chercha toute sa vie à conjurer par la légèreté.'
Sylvie Péju.
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René sortait de prison et Gourdon du commissariat. Ainsi, rien de fortuit à ce que l'un portât le vice sur son visage et l'autre un képi sur la tête. Nadia, elle, sortait de son lit. Quant à Rochette, il sortait peu de lui-même. Il portait sur le monde un regard d'enfant grincheux convié à une fête qui l'ennuie. Il n'avait pas encore choisi son déguisement, son masque de Mardi-Gris, mais les feux n'étaient pas d'artifice. Les masques devinrent funèbres et la danse vraiment macabre. Et Rochette s'improvisa Roi de ce carnaval sanglant...
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Une chanteuse de goualante populo-funk, un critique rock sourdingue, un couple de junks romantiques, deux tueurs sclérosés, quelques rappeurs timides, un contrôleur déserteur, une ex-star du porno, une petite orpheline, un grand méchant loup et quelques 100 000 zoulous débarquent dans la ville bourgeoise - normal, Bourges, pour le vingtième anniversaire du Printemps. Vingt ans, ça suffit ! L'ordre moral regimbe, les ligues de vertus se rebiffent, et un ex-mercenaire découvre que Bourges vit de l'industrie du canon.
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1979. Morvan qu'on appelle La Morve n'est pas un mauvais Français puisqu'il est alcoolique et pratiquant, catholique élégiaque, tueur à gages scrofuleux, mais voilà, il se trompe de cible, il improvise, son commanditaire crise, le flic gigolo poétise, la victime désignée balise et Ramier, qui passait par là, héroïse. Quant aux deux petites gredines, pourquoi une petite et une grosse ? Et bien parce que Laure, elle est hardie.
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Je n'aime ni lire ni écrire, surtout les livres des autres. On n'y parle pas assez d'émoi. J'aime mieux les milliers de pages blanches de mon roman-rêve, Le retour de la princesse de Clèves, chef-d'oeuvre immature, qui dort dans le coffre-fort d'un château fort gardé par un dragon fort sélectif, au dernier étage de la voie lactée. Quand j'arrive à la porte du château, j'ai perdu la clé, et le dragon fait celui qui ne me connaît pas. Il allume une cigarette, crache la fumée par les narines, et me souffle, dans un rictus goguenard, un bon tuyau, une affaire juteuse, il s'est encore débrouillé pour me trouver un petit job, provisoire, un boulot peinard, une basse besogne, un contrat en béton, une nouvelle épreuve, une douzaine de travaux d'Hercule. Il me conseille de soigner mon style et d'acheter une syntaxe rigoureuse. Il me veut plus clean que clown ; il a fait des sondages dans les maisons de la presse. Et je me retrouve toujours dans les oubliettes du château, attelé à des rames de papier recyclé.
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À l'été 1980, les édiles municipaux de la capitale autorisaient l'entreprise de démolition des abattoirs de La Villette. Pierre Marcelle et Hervé Prudon venaient d'y achever leurs repérages, pour ce roman où le monstre architectural expire sous vos yeux. Victor Hugo en a assez bien résumé l'intrigue dans « Notre Dame de Paris », et William Faulkner a emprunté cette structure dans « Le bruit et la fureur ». Les salauds grouillent dans le béton. Les bulldozers raseront tout, enterrant définitivement les années soixante-dix. De La Villette, il reste un vague terrain vide devant eux, et ces deux cents feuillets.
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Léo Schneider a tout pour être heureux. Il est jeune, riche et amoureux. Amoureux de la vie, et de Sarah, dont il attend un enfant. Et puis, il y a Charlie, Michel et Marie. Les amis. Le clan. Pour eux, Léo a rêvé de construire un paradis à leur seul usage, d'où le malheur serait banni. Mais les rêveurs sont fragiles. Léo l'apprendra à ses dépens, et perdra tout. Dans Paris, dévasté par un été torride, de la nuit de Pigalle à la nuit de Montparnasse, Léo s'enfonce dans son enfer personnel, relié au monde des vivants par le fil du téléphone. Sarah disparue, ses amis enfuis, il lui reste la comédie du sexe, l'alcool, et la compagnie des âmes mortes - vagabonds, orphelins, femmes perdues. Pour retrouver Sarah, il lui faudra affronter cette part de lui-même qui leur ressemble. Et Léo saura-t-il s'accommoder d'un monde sans ivresses ? Du tragique au vaudeville, Les yeux doux est la chronique tendre et méchante d'un couple qui se déchire. Entre le blues et la romance, ce livre vibre d'une violence contenue : celle d'une génération déboussolée qui ne se résigne pas à vieillir.
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Hervé Prudon est l'auteur d'une dizaine de romans, notamment dans la collection Série Noire chez Gallimard. Il a publié chez Grasset Les hommes s'en vont (1998) et Venise attendra (2000), coécrit avec Sylvie Péju.
Peut-on s'imaginer la vie d'un homme qui aurait décidé de ne servir à rien, de passer son temps àêtre inutile ? Benoît Ponque a disparu, et le héros-narrateur est chargé par sa famille de le retrouver. Mais comment faire, et où aller ?
Le héros s'engage dans une véritable enquête et va croiser toutes sortes de « zéros excentriques » : une artiste pondeuse d'oeufs, une mère-enfant collectionneuse d'objets obsolètes, des voisins délurés, un amour comme une promesse, des vrais cadavres et un faux fantôme. Car il y a aussi tous ceux qui refusent le « cynisme du vide », les garants d'une société-machine, qui ont peur des inutiles, qui s'acharnent à les utiliser, les répertorier pour les réinsérer. C'est peine perdue, car « un inutile ne sert à rien. Or on ne remplace pas ce qui ne sert à rien. Donc un inutile est irremplaçable ».
L'écriture de Prudon est une recherche du sens caché des mots. Nous retrouvons ici l'humour et la dérision propres à cet auteur, sa gloutonnerie des mots, l'alchimie des expressions revisitées : toute la jouissance du langage mise au service du désespoir.
Avec Les Inutiles, Hervé Prudon embarque le lecteur vers une odyssée urbaine, dans laquelle l'égarement est une ivresse. Un livre de l'étrangeté, qui oscille entre l'absurde et la révolte sociale.
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Le père est un vieil ours, réfractaire à la vie sociale, professionnelle, familiale, à la vie tout court. Il s'est noyé dans l'alcool puis il a eu un fils ; il a alors cessé de boire, noyant son enfant dans l'amour, comme dans ce fleuve du même nom qui coule en Sibérie et que le fils connaît au travers des récits de Tchékhov. « Vingt ans que je suis mort au monde et que je suis dans la tête de mon père, un placard », vingt ans prisonnier de la dépression paternelle, comme ce mammouth pris dans la glace qu'il rencontre en Sibérie, justement, où son père l'emmène. La mère n'est pas maternelle, elle est indépendante, active, et se tartine de crème anti-rides; la soeur est une adolescente cloîtrée dans sa chambre qui ne jure que par le chanteur Billy Crawford et le peintre américain pour qui elle pose - deux femmes de leur temps. La famille habite un pavillon de banlieue, et se délite... Comme son géniteur incapable de s'adapter à« une société qui a inventé le briquet jetable et le poisson carré», le narrateur voudrait échapper à l'engourdissement profond de son père et fantasme la vie primitive des peuples septentrionaux. Mais le père n'a d'autre issue que son fils.
Ours et fils est le récit extravagant, drôle et tragique, de catastrophes en « errances absurdes », de « la vie dans toute son extermination moderne ». Comme toujours chez Hervé Prudon, l'humour, la dérision, la jouissance des mots, servent l'expression de la passion et du désespoir. Une écriture originale, décalée qui offre une mise en scène féroce des maux de l'époque.
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'Officier de classe exceptionnelle [...] cultivé et incisif, il s'est vu confier des responsabilités sans cesse élargies et a été un élément fondamental de l'influence de la France au Kosovo.' Note du général de division Jean-Claude Thomann, 5 janvier 2000. Moins de trois mois plus tard, accusé d'avoir divulgé des documents classés confidentiel-défense, le colonel de gendarmerie Jean-Michel Méchain est passé à tabac en pleine rue, puis écrouée à la prison de la Santé. Sa carrière exemplaire, de Chamonix à Pristina en passant par Beyrouth, est brisée. Malgré un non-lieu prononcé en juin 2007, il n'obtiendra ni de la justice ni de sa hiérarchie d'être réhabilité. Longtemps réduit au silence par l'obligation de réserve, Jean-Michel Méchain est désormais libre de s'exprimer. Tout en évoquant la mort programmée de la gendarmerie, Qui veut la peau du colonel? retrace l'ascension brillante et la longue descente aux enfers d'un homme dont l'idéal d'engagement et de sacrifice a été piétiné.
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Aussi léger qu'un funambule, Hervé Prudon coupe l'émotion au rasoir des mots. Il joue au vertige et nous lance des images d'aujourd'hui. Muzo les saisit et grave sur le papier des humeurs d'humour et d'amour.
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