« En définissant le paysage comme « la partie d'un pays que la nature présente à un observateur », qu'avons-nous oublié ? Car l'espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d'étendue qu'y découpe l'horizon ? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un « spectacle » ? Et d'abord est-ce seulement par la vue qu'on peut y accéder - ou que signifie « regarder » ?
En nommant le paysage « montagne(s)-eau(x) », la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l'immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu'on voit et de ce qu'on entend... »
F.J.
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Quand on avance dans la vie, il est une question qu'on ne peut plus, peu à peu, ne pas se poser : pourquoi est-ce que je continue de vivre ?
Cette question, on peut la maintenir au niveau bas du développement personnel, affublé en « sagesse », et du marché du bonheur.
Ou bien l'affronter philosophiquement pour y chercher une issue plus ambitieuse qui soit la promotion d'une « seconde » vie.
Une seconde vie est une vie qui, du cours même de la vie, se décale lentement d'elle-même et commence de se choisir et de se réformer.
Pour y accéder, il faudra penser ce que sont des vérités, non pas démontrées, mais décantéesà partir de la vie même ; ou comment, de l'expérience accumulée, on peut à nouveau essayer ; ou comment la lucidité est ce savoir négatif (de l'effectif) qui nous vient malgré nous, mais qu'on peut assumer ; ou comment la vie peut ouvrir, non sur une conversion, mais sur une vie dégagée.
Ou comment un second amour, fondé, non plus sur la possession, mais sur l'infini de l'intime, peut débuter.
Puis-je, non plus répéter ma vie, mais la reprendre, et commencer véritablement d'exister ?
F.J.
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Comment entrer dans une pensée aussi extérieure à la nôtre que la chinoise? En présenter des notions ou y distinguer des écoles nous laisse toujours dépendant de nos perspectives implicites et de nos concepts. On n'a pas encore quitté sa pensée ni pu entrer dans l'autre.
François Jullien propose de lire les premiers mots du Yi-king sur le commencement. De les lire du dedans : dans leur énoncé et dans leur commentaire. S'érige alors progressivement un seuil qui fait entrer. Et surgit alors une tâche immense : concevoir une histoire de l'avènement de l'esprit qui ne relève plus de la seule Europe.
Une réflexion qui se prolonge dans L'écart et l'entre : comment s'ouvrir un chemin vers l'Autre ? Ce n'est pas à partir du semblable, comme on voudrait le croire, mais bien en faisant travailler des écarts, et donc en activant de l'entre, qu'on peut déployer une altérité qui fasse advenir du commun.
Qu'on s'en souvienne aujourd'hui où le danger d'assimilation, par temps de mondialisation, partout menace.
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Notre vie, ne la passons-nous pas en quête inassouvie de l'Autre ? De l'autre, enfin, qui soit autre.
Or ce tout autre n'est pas à attendre de quelque Là-bas espéré, d'un lointain fantasmé : la pensée ne fera toujours que tourner en rond dans cet imaginaire projeté.
Mais il se découvre si près, à portée, dans ce que l'on a trop placidement, paresseusement, assimilé. L'inouï ne tombe pas de quelque ciel féerique, mais s'extrait de ce qu'on foule si négligemment d'instants banals.
L'opposé lui-même n'est plus autre, car il ne confronte plus à de l'inconnu : il est désormais posé devant, « en face », diamétralement aligné, et même dramatiquement érigé ; mais déjà assigné, inerte et rangé- l'opposé déjà s'entend avec son autre.
De là qu'il faudra, je crois, procéder de façon inverse. Chercher de l'autre, non pas dans ce qui s'annonce à l'antipode, dans le rôle du contraire, qui déjà est complémentaire. Mais plutôt en ouvrant un écart au sein de ce qu'on croirait semblable, le plus à proximité, apparemment le plus apparenté : pour y sonder ce qui s'y fissurerait secrètement d'un autre possible.
Ainsi, déjà, entre le « plaisir » et la « jouissance »- eux qu'on croyait accolés.
Car c'est en émergeant d'un tel écart qu'un Autre - Toi - peut être rencontré.
Penser l'autre : n'est-ce pas là ce qui peut relancer la philosophie et, d'abord, nous fait accéder à l'existence ?
F. J.
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L'histoire que je raconte ici est celle de tout le monde...
Car qui ne s'est pas trouvé lassé, au fil des jours, du spectacle si merveilleux du ciel, ou du visage de l'Amante, et même d'abord d'être en vie ?
On s'en lasse parce qu'on n'en attend - on n'en entend - plus rien.
Ce qui s'étale, revient toujours, s'enlise en effet dans sa présence et dans sa récurrence et n'émerge plus, n'apparaît plus. On ne pourra y accéder qu'en découvrant ce qui s'en est enfoui d'in-ouï.
Non par dépassement dans un Au-delà, mais par débordement de notre expérience. C'est-à-dire en ouvrant une brèche dans ses cadres constitués et normés, libérant ainsi ce qui s'y révèle autre et qui se donne alors à rencontrer.
Aussi rendre ce si lassant réelà ce qu'il contient en soi d'inintégrable et donc de vertigineux, proprement inouï, est, en amont de toute morale, autour de quoi se jouent - basculent - nos existences.
L'inouï en devient ce concept premier, ce concept clé, ouvrant un minimum métaphysique où s'opère, ici et maintenant, un tel renversement.
Car que peut-on attendre d'autre - espérer entendre d'autre - que l'inouï ?
F.J.
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Aucun autre livre, hormis peut-être la Bible ou L'Odyssée, n'a imprégné aussi profondément la littérature que les Mille et une nuits depuis leur apparition en Occident sous la plume de leur premier traducteur, Antoine Galland. De Proust à Salman Rushdie, de Balzac à Naguib Mahfouz, tant d'écrivains amoureux de Schéhérazade partagent cette ambition: réinventer, sans les imiter, les Mille et une nuits. De là l'inépuisable variété de ces réécritures modernes, qui toutes ressemblent au modèle sans pour autant se ressembler entre elles.
Pourtant, dans cette profusion, quatre courants dominent, fournissant les quatre volets de la présente étude. La lecture politique des Nuits: le premier chapitre, "Le prince déguisé, symbole politique et motif poétique", s'attache à un motif qui fera fortune dans le roman populaire du XIXe siècle, celui du héros princier qui, à l'instar du calife Haroun Al-Raschid, se déguise en homme du peuple pour faire le bien. La lecture esthétique: le deuxième chapitre, "Schéhérazade fin-de-siècle", analyse la réception de la traduction Mardrus dans le milieu littéraire et culturel de la Belle Epoque. La lecture féministe: le troisième chapitre, "Schéhérazade s'émancipe", montre le rôle-clef de la version Mardrus dans les lectures féministes qui se développent à partir des années vingt, aboutissant à la romancière Assia Djebar et à sa réécriture pessimiste des Nuits dans le contexte de la montée de l'islamisme. La lecture introspective: à travers une analyse du Portrait de l'artiste en jeune singe, variation autobiographique de Michel Butor sur l' "Histoire du second calender", le quatrième chapitre, "Schéhérazade au miroir: l'aventure introspective", se penche sur une tradition interprétative qui voit dans les contes une aventure intérieure, une image du processus créateur. Voici donc, de Restif à Butor, l'histoire de la réécriture française des contes arabes.
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1612. La France se remet à peine des guerres de religion. René Descartes, alors étudiant à Rennes, se rend à une fête dans un château près de Brest. Sa présence bouleverse à jamais le destin de trois êtres : un père jésuite, Tucdual Cadiou, la toute jeune baronne Marie de Kerlech, avec qui il aura une liaison secrète, et surtout un petit va-nu-pieds à l'intelligence précoce : Gilbert Le Person. ...Fasciné par Descartes, Gilbert, quelques années plus tard, quittera son village natal de Porspoder pour Paris, capitale incontestée des sciences et de la philosophie nouvelle. ...Introduit dans le cercle fermé de la place Royale, Gilbert se liera à Blaise Pascal dont la soeur Jacqueline est, hélas, une disciple zélée des jansénistes, ennemis des jésuites par leur conservatisme religieux exacerbé. ...Les controverses font rage sur le système du monde, l'existence du vide ou la lumière. Tandis que les philosophes théorisent, dans l'ombre les fanatiques religieux sont prêts à tout pour les abattre. Gilbert Le Person n'aura de choix que de les affronter afin que ni l'amour, ni la science, ni la philosophie ne perdent leurs droits. ...
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