" Saisi à la gorge " par les perspectives que les conclusions du club de Rome popularisées par Mansholt ouvrent au Tiers Monde qu'elles condamnent, dans le cadre des structures actuelles, à la misère perpétuelle, René Dumont lance un avertissement : si les pays démunis risquent d'être de plus en plus affamés et dominés, nous risquons, nous, les riches gaspilleurs et pollueurs, de nous retrouver de plus en plus asphyxiés, dans nos autos privées, symboles de notre egoïsme.
Les réalistes du club, industriels et savants, nous annoncent un effondrement total de notre civilisation au cours du prochain siècle si se prolongent les croissances exponentielles de la population industrielle, et la misère à perpétuité du Tiers Monde. C'est pourquoi rené Dumont propose de réhabiliter les Utopies, et cherche à dessiner, pour notre planète assiégée, les premiers traits d'une société de moindre injustice et de survie, la société sans mépris.
Nous sommes à un moment de l'Histoire qui pose un défi radicalement nouveau à l'espèce humaine : pour la première fois, son prodigieux dynamisme se heurte aux limites de la biosphére et met en danger son avenir. Vivre ce moment signifie que nous devons trouver collectivement les moyens d'orienter différemment cette énergie humaine et cette volonté de progrès. C'est un défi magnifique, mais redoutable.
Or, une classe dirigeante prédatrice et cupide, gaspillant ses prébendes, mésusant du pouvoir, fait obstacle au changement de cap qui s'impose urgemment. Elle ne porte aucun projet, n'est animée d'aucun idéal, ne délivre aucune parole mobilisatrice. Après avoir triomphé du soviétisme, l'idéologie néolibérale ne sait plus que s'autocélébrer. Presque toutes les sphères de pouvoir et d'influence sont soumises à ce pseudo réalisme, qui prétend que toute alternative est impossible et que la seule voie imaginable est celle qui conduit à accroitre toujours plus la richesse.
Cette représentation du monde n'est pas seulement sinistre, elle est aveugle. Elle méconnaît la puissance explosive de l'injustice, sous-estime la gravité de l'empoisonnement de la biosphère, promeut l'abaissement des libertés publiques. Elle est indifférente à la dégradation des conditions de vie de la majorité des hommes et des femmes, consent à voir dilapider les chances de survie des générations futures.
Pour l'auteur de ces pages incisives et bie informées, on ne résoudra pas la crise écologique sans s'attaquer à la crise sociale concomitante. Elles sont intimement liées. Ce sont aujourd'hui les riches qui menacent la planète.
Hervé Kempf est un des journalistes d'environnement les plus réputés. Depuis près de vingt ans, il travaille à faire reconnaître l'écologie comme un secteur d'information à part entière, et a défriché nombre de dossiers sur le changement climatique, le nucléaire, la biodiversité ou les OGM. Après avoir fondé Reporterre, il a travaillé à Courrier International, à La Recherche, et maintenant au Monde.
Une rumeur étrange (la disparition de jeunes filles dans les salons d'essayage de commerçants juifs) s'est répandue, sans qu'il y ait la moindre disparition, dans la ville dont le nom symbolise la mesure et l'équilibre : Orléans. Edgar Morin et une équipe de chercheurs ont mené l'enquête sur place. Pourquoi Orléans ? Pourquoi des Juifs ? Pourquoi et comment se propage une rumeur ? Cette rumeur véhicule-t-elle un mythe ? Quel est ce mythe et que nous dit-il sur notre culture et sur nous-mêmes ?
Des questions se posent : un antisémitisme jusqu'alors latent s'est-il à nouveau éveillé ? N'y a-t-il pas, dans nos cités modernes, un nouveau Moyen Age qui ne demande qu'à surgir à tout moment ?
Les Français souffrent et ne le disent pas.
Comment faisons-nous pour tolérer le sort réservé à ces chômeurs et ces "nouveaux pauvres" dont le nombre ne cesse de croître ? Et comment parvenons-nous, dans le même temps, à accepter sans protester des contraintes de travail toujours plus dures dont nous savons pourtant qu'elles mettent en danger notre intégrité mentale et physique ?
Christophe Dejours, spécialiste du travail, découvre à l'origine de ce consentement et de cet étrange silence la peur ; puis la honte quand, pour faire fonctionner la machine néolibérale, nous finissons par commettre des actes que pourtant nous réprouvons. Il révèle comment, pour pouvoir endurer la souffrance (subie et infligée) sans perdre la raison, on se protège.
Marquer ses distances par rapport aux victimes du système est un bon moyen pour nier la peur en soi et débarrasser sa conscience de sa responsabilité vis-à-vis d'autrui.
A la lumière du concept de distorsion communi-cationnelle de Jürgen Habermas et surtout de celui de banalité du mal de Hannah Arendt, Christophe Dejours, patiemment, met au jour le processus qui fonctionne comme un piège. Alors la souffrance devient pensable. Et une autre conception de l'action possible.
Un autre monde est possible, il est indispensable, il est à notre portée. Le capitalisme, après un règne de deux cents ans, s'est métamorphosé en entrant dans une phase mortifère : il génère tout à la fois une crise économique majeure et une crise écologique d'ampleur historique. Pour sauver la planète, il faut sortir du capitalisme, en reconstruisant une société où l'économie n'est pas reine mais outil, où la coopération l'emporte sur la compétition, où le bien commun prévaut sur le profit.
Dans un récit original, l'auteur explique comment le capitalisme a changé de régime depuis les années 1980 et a réussi à imposer son modèle individualiste de comportement, marginalisant les logiques collectives. Pour en sortir, il faut prioritairement se défaire de ce conditionnement psychique.
L'oligarchie cherche à détourner l'attention d'un public de plus en plus conscient du désastre imminent en lui faisant croire que la technologie pourrait surmonter l'obstacle. Cette illusion ne vise qu'à perpétuer le système de domination en vigueur. Comme l'illustre la démonstration ancrée dans la réalité et animée de nombreux reportages, l'avenir n'est pas dans la technologie, mais dans un nouvel agencement des relations sociales. Ce qui fera pencher la balance, c'est la force et la vitesse avec lesquelles nous saurons retrouver l'exigence de la solidarité.
L'ouvrage précédent d'Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, a rencontré un grand succès aussi bien en France et au Québec qu'à l'étranger, avec des traductions en anglais, espagnol, italien et grec. Dans ce nouvel essai, l'auteur, journaliste au Monde, montre qu'en dépit des menaces l'avenir reste ouvert et l'optimisme justifié.
Sommes-nous en dictature ? Non. Sommes-nous en démocratie ? Non plus. Les puissances d'argent ont acquis une influence démesurée, les grands médias sont contrôlés par les intérêts capitalistes, les lobbies décident des lois en coulisses, les libertés sont jour après jour entamées. Dans tous les pays occidentaux, la démocratie est attaquée par une caste. En réalité, nous sommes entrés dans un régime oligarchique, cette forme politique conçue par les Grecs anciens et qu'ont oubliée les politologues : la domination d'une petite classe de puissants qui discutent entre pairs et imposent ensuite leurs décisions à l'ensemble des citoyens.
Si nous voulons répondre aux défis du XXIe siècle, il faut revenir en démocratie : cela suppose de reconnaître l'oligarchie pour ce qu'elle est, un régime qui vise à maintenir les privilèges des riches au mépris des urgences sociales et écologiques.
Car la crise écologique et la mondialisation rebattent les cartes de notre culture politique : l'Occident doit apprendre à partager le monde avec les autres habitants de la planète. Il n'y parviendra qu'en sortant du régime oligarchique pour réinventer une démocratie vivante. Si nous échouons à aller vers la Cité mondiale, guidés par le souci de l'équilibre écologique, les oligarques nous entraîneront dans la violence et l'autoritarisme.
Au terme de ce récit précisément documenté mais toujours vivant, le lecteur ne verra plus la politique de la même façon.
Comment les riches détruisent la planète et Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, les précédents ouvrages d'Hervé Kempf, ont rencontré un réjouissant succès. Ils ont été traduits dans de nombreuses langues. L'intérêt soutenu qu'ils continuent de susciter en fait désormais des références de l'écologie politique.
Entre 1973 et 2003, nous avons vécu un phénomène nouveau pour la première fois depuis les débuts de la Révolution industrielle, la société humaine a refusé une mutation technologique. Alors qu'elle promettait de transformer le monde, la dissémination dans l'environnement des organismes génétiquement modifiés (OGM) s'est heurtée à une contestation planétaire. Les OGM sont maintenant confinés pour l'essentiel en Amérique du Nord, et les firmes qui les promeuvent s'enfoncent dans la crise.
Personne ne peut prédire l'avenir des OGM, des plantes transgéniques. Mais l'échec de leur lancement est riche d'enseignements: sur l'Europe, qui y a manifesté son unité, sur les États-Unis, qui y ont montré la maladie de leur démocratie, sur la redécouverte de l'agriculture par un monde urbanisé, sur les rapports entre la politique et la science. Mais l'histoire des OGM est d'abord une incroyable aventure, une véritable "guerre de trente ans" mêlant la passion et la cupidité, le commerce et la manipulation, l'enthousiasme scientifique et l'imprudence. Cette guerre fut aussi une guerre secrète et ce livre lève une partie du voile.
Pascal Bruckner s'attaque avec vigueur au malaise qui consume les sociétés occidentales : le " tiers-mondisme " qui repose surtout, derrière la solidarité affichée, sur la haine de soi. Cette idéologie oppose un Sud radieux, peuplé d'agneaux et de martyrs, à un Nord rapace, habité de loups et de nantis. Une vision trop simpliste et culpabilisante qui trouve ici un lumineux contrepoint.
Né en 1948, Pascal Bruckner a écrit de nombreux romans et essais, dont L a Tentation de l'innocence (prix Médicis de l'essai 1995) et Les Voleurs de beauté (prix Renaudot 1997). Il est également l'auteur de Lunes de fiel et co-auteur de La Plus Belle Histoire de l'amour, disponibles en Points.
" Un styliste qui cogne, un puncheur qui signe des pages étincelantes, servies par une culture historique et philosophique solide. "
La Croix
"Un quart de siècle après l'événement, à la demande de ses amis des Editions du Seuil, Jean Daniel nous tend ce miroir où s'inscrit le grand dialogue entre de Gaulle et l'Algérie. On permettra peut-être à un biographe du Général, qui vient d'étudier ce dossier avec le recul du temps et l'apport d'une riche historiographie, de saluer ici un exemple peu banal de lucidité immédiate. D'innombrables documents ont été publiés depuis lors. Beaucoup d'acteurs ont témoigné. Et plusieurs très bons livres ont paru sur la question. Nous en savons davantage. Mais, vingt-cinq ans plus tard, le tableau du journaliste garde sa fraîcheur et son éclat. Avec la force irrésistible de la perception immédiate, de ce qui a été vu, senti, souffert." Jean Lacouture Passionnément lié, comme Camus qui fut son ami, à l'Algérie, interlocuteur privilégié à Paris, Tunis et Alger des protagonistes du drame, Jean Daniel en fut l'un des témoins les plus exigeants et les mieux informés. C'était alors dans l' Express de Françoise Giroud, Pierre Viansson-Ponté, Jean-Jacques Servan-Schreiber, celui du "Bloc-notes" de François Mauriac, proche de Camus et de Pierre Mendès France, que l'on pouvait lire chaque semaine ses reportages. Précédé d'une réflexion personnelle qu'autorise aujourd'hui le recul du temps, le choix de textes qu'on trouvera ici reconstitue avec éclat ce que Jean Daniel appelle l'"impétueux corps à corps du Général avec l'Algérie".
Une forme spécifique de revendication démocratique serait-elle à l'œuvre en Chine ? La " protestation ", en se généralisant, y amorcerait-elle un processus aux conséquences imprévisibles ? Telles sont les questions que soulèvent les auteurs de cette saisissante étude. Elle porte sur une réalité largement méconnue. Depuis 1951 existe là-bas un dispositif intitulé " Administration des Lettres et visites ". Créé par Mao Zedong, il était destiné à recevoir les plaintes, protestations et doléances des particuliers. Cet ouvrage raconte comment cette administration, souvent instrumentalisée idéologiquement, n'a cessé de s'étendre et de se codifier. Mais aussi et surtout comment elle a autorisé un espace de parole qui est devenu le lieu d'une contestation du réel massive et inattendue.
L'immense collection de doléances ainsi recueillie – tant par voie écrite (les lettres) qu'orale (les visites) –, qui raconte en creux l'histoire de la Chine moderne, n'avait jamais été examinée. Les auteurs ont pu avoir accès à des centaines de ces lettres et enquêter sur la pratique (très réglementée) des visites, jusqu'alors inconnue du dehors, pour essayer de comprendre qui s'exprime au sein de cet espace ; auprès de qui ; pour dire quoi ; et comment.
Le résultat de leur travail est inédit. Il montre comment ceux qui, depuis des décennies, adressent lettres et visites aux autorités font état d'attentes morales et politiques souvent ignorées mais qui relèvent bien d'un processus d'invention démocratique.
Isabelle Thireau est sociologue, directrice de recherche au CNRS et directrice d'études à l'EHESS.
Hua Linshan est historien, chercheur associé au Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine. Ancien Garde rouge, il a publié au Seuil, en 1987, un " livre événement ", Les Années rouges, qui racontait de l'intérieur, et pour la première fois, ce qu'avait été réellement la Révolution culturelle des années 1960.
De plus en plus souvent dans l'hémishère Sud les conflits armés, révoltes, contradictions sont d'essence culturelle. Le choc de la modernité - celle de la rationalité marchande et technicienne ou celle de la révolution matérialiste - ébranle en profondeur des sociétés traditionnelles hier encore cohérentes. Et celles-ci résistent plus farouchement qu'on aurait pu l'imaginer. Elles se savent porteuses d'une cohérence, d'une chaleur, d'un sens que nous avons, le plus souvent, perdus. D'où la violence de leur refus et l'échec répété des modernisateurs.
Au Nicaragua, la raison révolutionnaire des sandinistes échoue devant la raison autonome des Misquitos, barricadés dans leur spécificité. A Cuba, le castrisme d'origine hispanique et blanche n'a pas vraiment su intégrer la culture "nègre" pourtant majoritaire, mais entachée du soupçon d'opposer un frein au progrès. En Ethiopie ou dans les Républiques musulmanes d'URSS, la logique du socialisme scientifique se heurte à la même résistance culturelle. Au Burkina-Faso ou dans les îles du Cap-Vert, conscients des embûches de l'unilinéarisme des modèles de "développement" et sans doute favorisés de ce point de vue par la pauvreté des ressources de leur pays et leur manque d'attrait aux yeux des nouveaux colonialistes, les dirigeants cherchetn à fonder leur politique sur les valeurs ancestrales qui ont permis à leur peuple de survivre et de créer des sociétés originales.
Apparemment pourtant, presque partout, un contradiction profonde et grave oppose le désir de déracinement, de la dilution de toute identité culturelle. Et c'est sans doute ce type de contradiction - culturelle plus qu'économique - qui dominera l'histoire de l'hémisphère Sud dans les années à venir.
Sur cette question, Jean Ziegler, spécialiste et homme de terrain, propose ici tout à la fois un grand reportage sociologique et un essai flamboyant.
Avec ses 33 millions d'habitants et ses immenses richesses naturelles, l'Afrique du Sud dispose, pour son développement, d'atouts inégalés sur le continent noir. Le système d'apartheid, mis en oeuvre depuis 1948, a, au contraire, précipité le pays dans la crise. Le pouvoir exclusif de la minorité blanche et le système de lois - unique au monde - basé sur la ségrégation raciale suscitent une résistance de plus en plus vive de la part de la majorité noire. Depuis Sharpeville en 1960 ou Soweto en 1976, le gouvernement sud-africain n'hésite plus à faire usage de la force pour étouffer la révolte. Aujourd'hui, le pays de l'apartheid se retrouve plongé dans la violence, et le monde extérieur s'interroge sur ses possibilités d'intervention. Les racines historiques du conflit ; le système d'apartheid, ses rouages et son évolution ; la minorité blanche, ses dirigeants, ses atouts et ses divisions ; la majorité noire, l'histoire de la résistance, ses tendances rivales ; le contexte régional et international... voici quelques-unes des questions étudiées en détail ici. Les clés indispensables pour comprendre pourquoi, dans ce pays, menace de se produire, selon une mission d'enquête du Commonwealth, le plus grand bain de sang depuis la Seconde Guerre mondiale.
L'aide publique au développement représente en France des sommes considérables
Celles-ci sont sans rapport avec les faibles moyens des organisations humanitaires : le premier bénéficiaire en est le continent africain. Cette aide revêt des formes diverses et variées : "zone franc", prêts ré-échelonnés, dons, aide à la construction de grands projets, envoi de coopérants. Pourtant, depuis des décennies, l'argent a été englouti sans enrayer la pauvreté, bien au contraire.
La gestion de l'aide publique est aussi absurde qu'inefficace
Au lieu d'arriver là où les besoins sont les plus criants, elle termine dans les poches des chefs d'États concussionnaires, sert à payer des cathédrales dans le désert ou entretient des armadas de fonctionnaires. La France contribue grandement aux perversions du système, par manque de volonté ou par cynisme diplomatique et commercial, et tente de se rattraper en prônant le droit d'assistance humanitaire. Pendant ce temps, l'Afrique sombre alors que d'autres continents en voie de développement relèvent la tête.
Il semble que les dirigeants français soient, malgré leurs belles paroles, de plus en plus tentés de laisser tomber
Pourtant, ce serait une erreur stratégique qui nous chasserait définitivement des rangs des grandes puissances mondiales. Nous avons tout à gagner à ce que l'Afrique, avec laquelle nous entretenons historiquement des liens privilégiés, prenne la voie d'un développement durable et sorte enfin du cercle vicieux dans lequel elle s'est progressivement enfermée.
Aujourd'hui, la France peut et doit agir en réformant radicalement sa politique africaine : c'est une question de volonté et non de moyens financiers. -- Idées clés, par Business Digest.
Sylvie Brunel est géographe et économiste. Spécialiste des questions de développement, elle a travaillé pendant plus de quinze années dans l'humanitaire (Médecins sans frontières, Action contre la faim) et a publié une trentaine d'ouvrages consacrés au développement, en particulier aux questions de famine.
Il est préconisé ici de réformer la pensée pour réformer l'enseignement et de réformer l'enseignement pour réformer la pensée.
Dans le sens de la réforme de la pensée, Edgar Morin propose les principes qui permettraient de suivre l'indication donnée par Pascal : " Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties... " Ces principes conduisent au-delà d'une connaissance fragmentée qui, rendant invisible les interactions entre un tout et ses parties, brise le complexe et occulte les problèmes essentiels ; ils conduisent également au-delà d'une connaissance qui, ne voyant que des globalités, perd le contact avec le particulier, le singulier et le concret.
Ils conduisent à remédier à la funeste désunion entre la pensée scientifique, qui dissocie les connaissances et ne réfléchit pas sur le destin humain, et la pensée humaniste, qui ignore les acquis des sciences pouvant nourrir ses interrogations sur le monde et sur la vie.
D'où la nécessité d'une réforme de pensée, qui concerne notre aptitude à organiser la connaissance et permettrait la liaison des deux cultures divorcées. Dès lors pourraient réapparaître les grandes finalités de l'enseignement qui devraient être inséparables : susciter une tête bien faite plutôt que bien pleine, enseigner la condition humaine, initier à vivre, affronter l'incertitude, apprendre à devenir citoyen.
Après l'indépendance des anciennes colonies, les relations entre l'Afrique et la France ont changé de nature mais, obscurément, elles demeurent plus fortes qu'on ne le croit. Il est vrai que l'aventure française en Afrique ne fut pas seulement affaire de conquêtes et de colonisation. La passion y eut sa part. Une passion si intense que, pendant plusieurs décennies, le continent noir continua d'occuper une place particulière dans l'imaginaire de l'ancienne «métropole». Qu'il s'agisse de la littérature, de l'art, de la mémoire militaire, de la tradition administrative ou de l'enseignement, l'Afrique fut et demeure inextricablement mêlée à l'histoire française. Pour le pire, quelquefois ; pour le meilleur, souvent.C'est ce prodigieux roman franco-africain, cette singulière «histoire d'une passion» qu'a reconstitué Jean de La Guérivière. Journaliste ayant longtemps sillonné l'Afrique, l'auteur a confronté ses impressions personnelles aux témoignages innombrables de ceux qui l'avaient précédé sur le terrain. Puisant dans la littérature, dans les documents et dans les archives de l'époque coloniale, questionnant les témoins d'ici et de là-bas, revisitant les principaux lieux, il évoque tous les aspects d'une extraordinaire aventure. Sans triomphalisme mais sans «repentance».
Entre la France et les trois pays - Vietnam, Laos, Cambodge -
formant l'ancienne Indochine s'est construite, au fil des décennies,
une histoire passionnelle sans équivalent comparable. La
dure guerre française (1946-1954), puis celle - américaine -
du Vietnam n'ont pas fait disparaître cette passion et en ont
même, à l'heure du tourisme, ravivé la nostalgie. C'est l'histoire
de cette passion française pour l'Indochine que raconte Jean
de La Guérivière, ancien journaliste au Monde, journal pour
lequel il couvrit les derniers moments de la guerre du Vietnam.
Son récit ne se borne pas à la politique, loin s'en faut. Il
englobe la culture militaire, les missions religieuses, le cinéma,
la littérature de voyage et celle des romanciers «asiates». Il
s'intéresse aux liens spécifiques tissés pendant plus d'un siècle
entre ces sociétés lointaines et la France. Les femmes y occupent
une place privilégiée. Au total, cette «somme» à la fois savoureuse
et érudite rassemble l'essentiel de ce qu'il faut savoir si
l'on veut comprendre la genèse et la persistance d'un véritable
envoûtement.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Le plus grand journal du monde - l'Asahi, 9 millions d'exemplaires - le plus gigantesque haut-fourneau, le plus énorme cargo - 300 000 tonnes - le train le plus rapide - Tokyo-Osaka, 200 km/h de moyenne - les appareils électroniques les plus parfaitement miniaturisés, les investissements les plus audacieux : on n'en finirait pas de citer les « records » japonais, exemples d'un développement technique auprès duquel ceux des États-Unis et de l'Allemagne paraissent timorés. Le Japon a décuplé en seize ans son revenu national brut : dix milliards de dollars en 1950, 100 milliards en 1966. En 1960, son premier ministre lui annonçait qu'il allait doubler ce chiffre dans les dix années à venir : qui doute aujourd'hui que ce fabuleux pari sera tenu, et que le Japon est désormais solidement installé dans sa position de seconde puissance du monde non-communiste, de « troisième grand » de l'économie mondiale ? De l'économie... Car non seulement les dirigeants de Tokyo, mais l'opinion publique, les leaders politiques et le peuple japonais semblent avoir choisi, pour longtemps, de s'en tenir à deux impératifs : la production et les échanges. Une ligne de conduite que l'on peut résumer en cette formule : la grandeur sans la bombe. Les démons d'un militarisme aujourd'hui détesté paraissent conjurés, mais au prix d'un oubli si manifeste et si minutieux de la politique qu'elle risque de prendre tôt ou tard sa revanche. Un grand peuple peut-il vivre seulement pour les taux de production, le rythme de croissance et les triomphes de la technologie ? Robert Guillain, qui a longtemps et attentivement partagé les expériences et les épreuves du peuple japonais, ne se contente pas de dresser le prodigieux bilan de son expansion : il en mesure, en expert et en ami, les risques et les chances d'avenir.
Peut-on encore être gaulliste, et « gaulliste d'espoir », en 1976 ? Peut-on encore fonder une action continue, créatrice, collective sur une référence historique, sur la vision du monde héritée d'un personnage qui se voulut et fut avant tout un stratège des circonstances ? Oui, répond Jean Charbonnel qui, issu d'un milieu traditionaliste de catholiques limousins, formé à l'École normale, puis à l'ENA, où Péguy et la démocratie chrétienne le disputaient à Barrès et à Michel Debré, historien de formation, homme public de vocation, élu de Brive, compagnon et rival de Jacques Chirac en Corrèze, a gravi presque tous les échelons des honneurs et des responsabilités sous la Ve République. C'est de l'intérieur qu'il a vu le régime s'infléchir vers le conservatisme, et de crise de l'énergie en affaire Lip, laisser s'affirmer les tendances qu'incarne brillamment Valéry Giscard d'Estaing. Ainsi ces mémoires d'un « premier de la classe » se muent-ils progressivement en réflexions d'un mal-pensant. Il se déclare persuadé que seule une opposition raisonnée au système giscardien du « libéralisme avancé » permettra de réconcilier les valeurs profondes du gaullisme avec la jeunesse et les forces productives du pays.
« Un jour viendra, couleur d'orange... » : quel lien unit à l'espérance du poète la mort de milliers d'orangers sur les rives du lac Balaton, voici plus de vingt-cinq ans ? - Le socialisme. Il forme la trame du nouveau livre de Maurice Duverger, à ses yeux le plus important de tous ceux qu'il a publiés. Comment une doctrine qui tendait à libérer les hommes a-t-elle abouti à des dictatures totalitaires ? Pourrait-elle s'épanouir dans les démocraties d'Occident, en y accroissant le pluralisme au lieu de le détruire ? Doit-elle limiter ses ambitions, au lieu de faire entrevoir un Eden futur qui transpose la vie éternelle, ce rêve perdu ? Ces questions, et bien d'autres, sont abordées dans une confrontation de tous les socialismes pratiqués et parlés, où l'analyse de leurs formes et de leurs forces se déroule en contrepoint d'une critique théorique. Benedetto Croce a trié naguère Ce qui est mort et ce qui est vivant dans la philosophie de Hegel. Maurice Duverger s'efforce de distinguer aujourd'hui ce qui est mort et ce qui est vivant dans la science sociale de Marx.
La Chine semblait se rassembler, silencieuse et tendue, toute à son effort de correction des expériences de 1958 à 1964. En cinq ans, le nombre des bouches à nourrir avait cru de 80 millions, sans qu'augmente beaucoup le revenu national. A la fin de 1965, il n'y avait plus place, en apparence, que pour l'effort aride, la mise en valeur rationnelle, les comptes et la discipline. Soudain éclata cette « Révolution Culturelle » qui, selon Lénine, a pour objectif de donner au prolétariat le contrôle des institutions sociales. Ceux qui provoquèrent, déclenchèrent, entretinrent, théorisèrent ce prodigieux bond en avant historique, étaient, autour de Mao Tse-tung, une minorité. Mais cette minorité l'emportait par la conviction que la transformation totale des relations de production est le premier devoir des révolutionnaires, que le parti ne saurait être un simple agent de transmission d'une autorité centrale et a une tâche primordiale : apprendre au peuple à être responsable. Négligeant le pittoresque et les aspects théâtraux de la révolution exploités par la presse occidentale, Jean Esmein, que sa connaissance du chinois aida à en suivre, à Pékin, les diverses péripéties, étudie tour à tour le rôle joué par les cadres politiques et militaires, par les paysans et les ouvriers, par les intellectuels, les étudiants, les gauchistes - car la « Révolution Culturelle » elle-même eut les siens... C'est en plongeant au plus profond de cet océan de contradictions sociales, économiques, idéologiques, que l'auteur retrouve, avec une sorte de simplicité sereine, la rationalité d'une Chine beaucoup plus proche de nous que le veut la légende.
Que le Dieu des croyants s'en soit mêlé, ou seulement celui des géologues, le fait est que les deux tiers des réserves du pétrole du monde sont enfouies de part et d'autre du long fjord d'eau chaude qui se glisse entre l'Arabie Séoudite et l'Iran, sous le soleil le plus violent, entre les terres les plus desséchées de l'univers ; ce golfe qu'on appelait persique, que d'autres disent arabe, et qu'il vaut mieux désormais priver d'adjectif. En 20 ans pour le Koweit, en 10 ans pour Qatar, en 5 pour Abou Dhabi, en 4 pour Oman, des tribus de nomades chameliers tout imbibés de la rosée originelle sont entrées de plain-pied dans l'âge des managers, de la technologie de pointe et du « recyclage des pétrodollars », sans perdre tout à fait les vertus qui, d'un point d'eau à l'autre, leur permirent de survivre sous la tente. Pour combien de temps ? « Dieu m'a donné le pétrole, il me le reprendra, murmure l'émir Zayed, d'Abou Dhabi. L'important c'est de rester fidèle à soi-même. » Fidèle ? Peut-on le rester quand, jeté sur le tapis magique, on franchit dix siècles en dix ans ? Gabriel Dardaud, qui visita les Émirats quand le pétrole n'y formait que des plaques visqueuses, Simonne et Jean Lacouture qui, à la fin de 1974, ont fait deux voyages dans le Golfe, tentent ici de donner la réponse.
Le « complexe militaire industriel », tel que l'a défini l'un de ses créateurs, Dwight Eisenhower, cet ensemble de mécanismes par lesquels guerre et industrie se nourrissent et se multiplient au sein de la société politique américaine, est-il l'un des loups-garous du monde moderne au même titre que « l'homme au couteau entre les dents » et le « péril jaune », ou la menace la plus directe contre la liberté des nations et la démocratie des Etats-Unis ? Le livre de Claude Moisy, correspondant à Washington de l'agence France-Presse depuis cinq ans et, comme tel, mêlé de près à tous les débats de l'« establishment » américain, n'est pas un pamphlet. C'est un document, un reportage et un avertissement. Un document, car tout ce qui compose le fantastique arsenal des Etats-Unis est ici évoqué et décrit, des missiles I.C.B.M. aux anti-missiles A.B.M., en passant par les gaz et les produits bactériologiques du type C.B.W. Un reportage, car ce que décrit Claude Moisy, c'est la saisie progressive, la digestion lente et presque inexorable de la société publique américaine par le dévorant « complexe » et la tentative désespérée des libéraux pour en protéger la démocratie américaine. Un avertissement, car il nous rappelle avec une force et une simplicité foudroyantes à quel point l'industrie militaire peut être liée à la prospérité, à quel point la préparation à la guerre conduit à la guerre, et que rien n'est plus simple et plus apparemment profitable, pour tout Etat industriel, que de fonder sa fortune sur le pouvoir d'extermination. Nourri de faits, bourré de chiffres, truffé de citations, peuplé d'êtres très vivants et très agissants, de Nixon à Laird, du représentant Rivers au sénateur Fulbright, le livre de Claude Moisy est le portrait implacable mais serein d'une Amérique que le poids des armes enchaîne à l'aventure permanente.
Les Français croient connaître l'Italie, la plus accueillante, la plus séduisante des nations voisines. Ses brusques explosions les déconcertent pourtant. La classe politique romaine leur semble plus byzantine encore que la leur et ils se demandent, non sans envie, comment ces jeux et ces fièvres permettent aux Italiens de donner des leçons d'expansion économique aux autres nations de la Communauté européenne et par quel « miracle » cette société à prédominance agricole est devenue en quelques années une puissance industrielle. Correspondant à Rome du journal Le Monde depuis l'automne 1965, Jacques Nobécourt a vécu les phases les plus récentes et les plus brûlantes de ces mutations. Sachant par expérience combien les données les plus élémentaires de la vie politique italienne risquent d'échapper aux observateurs attentifs, il a voulu donner dans ce livre une description des grandes forces de l'Etat et de la vie politique et peindre quelques-uns des protagonistes dont les noms reviennent quotidiennement dans les titres de nos journaux, poser enfin quelques-uns des problèmes-types de la vie politique et sociale italienne. C'est une clef pour les événements de demain qu'il nous propose et sa conclusion est optimiste : bien loin d'être engagée dans une phase de dégénérescence, c'est une maturation que l'Italie est en train de vivre. Beaucoup des problèmes qu'elle affronte et tente de résoudre concernent d'autant mieux ses partenaires européens qu'elle est en train d'inventer les solutions de l'avenir. Les révolutions de l'Italie sont les nôtres.